J’écris les doigts gercés après avoir passé 20 bonnes minutes à jouer au téléphone arabe dans un bain à bulle avec mes trois garçons. Rien n’avait de sens, et leurs éclats de rire ont fait le reste. Ces rires font écho à ceux de cet après-midi sur la piste de luge: du grand n’importe quoi, et les éclats de joie qui vont avec. Inoubliables moments, permettant presque d’oublier le traumatisme des bottes de ski!
Photos en fin d’article
Dans le même ordre d’idées joyeuses et au registre d’une certaine nuance de merveille, une découverte pour moi cette semaine: skier dans la neige fraîchement tombée. Un bonheur … surtout parce que je trouve que ça ralentit l’allure et que ça facilite le freinage. En prime, avec le ciel bouché et la neige qui tombe tout droit et bien fort, ça limite la visibilité et donc tout ce qui peut potentiellement me faire peur. Ca m’oblige à prendre la descente comme elle se se doit: un tournant à la fois, en pleine conscience et dans la béatitude totale d’être accompagnée par ce bruit magique de poudre qui se disperse sous mes lattes.
C’est d’ailleurs la pleine conscience qui me sauve la semaine. Je n’ai certes pas pris le télé-siège (puisqu’en gros, on ne me l’a pas demande ou en tout cas, on n’a pas insisté), mais j’ai profité à fond, y compris de la torture vécue par mes pieds dans les bottes de ski. J’ai profité parce que je sais que j’ai fait de mon mieux et que j’ai senti que je déplaçais un peu mes limites: un peu plus vite, un peu plus de maîtrise, un peu moins mal partout.
Pour le reste de la famille aussi, le challenge a été plus émotionnel que sportif. Avec 1 jour et demi de neige sur les 5 qui nous étaient donnés pour skier (avec en plus 1 autre jour sans le principal télésiège de la station pour cause de panne d’électricité), Aart a pu bosser sa capacité à relativiser. Il nous a montré un sentiment mélangé entre le bonheur infini de voir s’empiler la neige par dizaine de centimètres et la frustration de ne pas pouvoir enfiler autant qu’il ne l’aurait voulu les kilomètres de ces pistes qui le font rêver de ces vacances des mois à l’avance. Un petit doigt de pied fracassé sur une table de salon au soir du quatrième jour n’a pas facilité le zen pour lui, mais une fois face aux pentes, il n’en a plus rien laissé paraître et a tout donné. Il rayonne en présence de ses garçons skieurs et n’a pas l’air d’avoir honte de moi quand je dévale pour la 60e fois la même piste verte-bleue en prenant un air ravi parce que je ne suis pas tombée.
Challenges aussi pour les garçons. Au matin du premier jour de neige, Loïc s’est retrouvé en haut d’une piste rouge à lutter contre des éléments assez hostiles, avec un vent de face qui les faisait plus reculer qu’avancer. Il a mordu sur sa chique plus d’une fois, dans un groupe de cours où il était de loin le plus jeune et le plus petit, et s’est battu jusqu’à décrocher sa 3e étoile sur le fil. Ca lui en a coûté, mais c’est avec des victoires à l’arrachée comme celles-ci qu’il peut se construire une confiance en lui en acier. En tout cas, c’est ce qu’on lui souhaite et on lui pardonne larmes et énervements parce qu’on sait qu’avant tout, il se cherche quand c’est la bagarre des émotions dans sa tête.
Arthur quant à lui n’a pas skié, il a surfé: il est super à l’aise sur la poudre blanche, profite de sa petite taille et de son équilibre naturel pour filer comme un cabri, apprenant les nouvelles techniques en arrivant toujours à convaincre la prof qu’il est le dernier à avoir écouté. Quand on le connaît, on sait qu’il a sa façon bien à lui d’absorber l’information en faisant un peu le pitre. Ca lui permet de gérer les attentes: il sera au rendez-vous, même et surtout si on ne l’y attend pas. Mais à force de faire semblant de rien tout en progressant terriblement, il a surtout du lutter contre la fatigue et c’était beau de voir comment il a à chaque fois accepté de mettre fin au plaisir de la glisse dès qu’on le lui proposait. Il n’a donc pas volé sa première étoile, et il rêve déjà du prochain séjour ici.
Et enfin, Noam. Tout un programme. Il nous l’a joué peur panique au moment du dépôt au cours de ski, avec un rituel assez compliqué: il fallait rester jusqu’à la fin de sa première descente, et lui répéter « oui je reste jusqu’à la fin de ta première descente » chaque fois qu’il nous demandait « tu restes jusqu’à la fin de ma première descente hein » – ce qu’il faisait environ toutes les deux minutes pendant une bonne vingtaine de minutes (faire faire une micro-descente à 15 Pious Pious, ça prend un temps dingue). Ca a donné lieu à quelques dialogues de sourdes avec la prof de ski, qui pense que les caprices existent et que Noam avait un grave problème, sans doute dû à une tare transmise par sa mère. J’ai géré le dialogue avec le même flegme que celui dont j’ai usé pour faire face aux remarques pas toujours constructives dans la file du tire-fesses (un vrai laboratoire social, cet endroit, d’ailleurs). En fin de compte, Monsieur Noam a remporté son Blanchot et nous dévale de mini-pistes avec la rage qu’on lui connaît. A l’arrivée, il nous regarde de ses yeux bleux brillants de fierté: « tu m’as vu? », et tout est dit.
Tout ça ne vous dévoile évidemment pas grand chose sur l’endroit où on était, ce qu’on a vu, mangé, bu, fait (à part monter-descendre, forcément). Mais ce n’est pas là l’essentiel de ces vacances d’hiver. Face au caractère répétitif (monter-descendre, et belote, et rebelle) et à la routine plus globales des journées de sports d’hiver, c’est le noyau familial qui peut se retrouver et progresser ensemble. On a ramé un peu mais on a surtout fini la semaine avec la conviction qu’on est une jolie bande de 5, et qu’on va continuer à se bonifier avec les années grâce à des moments comme ceux-ci. Je pense juste que l’année prochaine, je vais me mettre au snow board parce que les chaussures ont l’air vachement plus confortables et que si, comme on me le prédit, je passe la moitié de ma semaine à terre, je n’aurai au moins pas le stresss de la prise de vitesse et de la complexification des pistes toujours plus nombreuses à explorer. Car c’est vraiment un joli domaine, La Rosière. We’ll be back!







