Le 26 juillet 1963, à 5h17 du matin, un séisme d’une magnitude de 6,9 sur l’échelle de Richter, a secoué la vallée du Vardar. Pour Skopje, cela a signifié plus de 1000 morts et une destruction de 80 pour cent du bâti. Et le 3 août 2019 ce fût – sans transition – le fil rouge de notre visite pédestre, même si on n’a pas pris le temps de traîner la troupe jusqu’au pied de l’ancienne gare dont la grande horloge marque toujours l’heure fatidique du phénomène naturel en question. Un peu accablés par la chaleur au moment de l’annonce du fait historique, les jeunes visiteurs ont eu la bonne idée d’en prendre connaissance sans nous assaillir de questions géologiques mais ce n’est sans doute que partie remise.
Ce qui se raconte pendant la visite de Skopje se divise assez facilement en avant et après le grand tremblement (c’est plus tangible en tout cas que notre tentative de parler du 6e siècle, qui n’a pas franchement percuté). En scrutant bien, on trouve donc quelques façades d’avant, et elles ont vraiment de la gueule. Je n’ai pas réussi à en photographier parce que soit je distribuais des crackers salés à mes actionnaires, soit je leur expliquais un autre truc qui les fascinait beaucoup plus. Comme mère Térésa, née ici 53 ans avant le tremblement de terre, sanctifiée à Rome et statufiée ici – pour le plus grand plaisir des touristes (j’ai déjà mentionné que c’est plein de statues, Skopje?).
Une des autres subtilités du jour aura été de faire comprendre que les jolis bâtiments aux toits ornés de demi-cercles ronds ne sont pas des mosquées, mais soit des églises orthodoxes, soit des bains turcs (ça rend le spectre des explications assez large, heureusement qu’on possède l’esprit de synthèse. Sachant que l’excès de synthèse nous a déjà valu des questions interconfessionnelles du genre « est-ce qu’il existe aussi des mosquées pour Jézus? »). En visitant la cathédrale de Saint-Clément, Noam n’a par contre pas insisté pour enlever ses chaussures, on dirait que sa phase bouddhiste a fini par passer (pour rappel, à Malaka il avait cherché Bouddha en hurlant son nom dans une mosquée).
Les bains turcs font partie des joyaux du coin, placés dans la vieille ville aux pourtours et au coeur du « bazaar » et transformés en lieux culturels permettant d’alterner avec les vendeurs de brols. Mais comme la ville est vraiment déserte ce week-end (tout le monde a fui en prenant la fête nationale d’hier comme prétexte pour aller se la couler douce ailleurs pendant 3 jours), on n’a pas été harcelés pendant notre promenade digestive, sauf pour acheter trois horribles granités au taux de sucre sans doute illégal.
La palme du jour revient sans conteste aux fontaines sur la place principale, aux pieds de la statue colossale du bien nommé Alexandre le Grand. Ca ne le fait pas trop sur la photo parce que je préfère cadrer en fonction de mes gingers adorés, mais le truc en bouche un coin, elle est vraiment énorme. Tout comme une série impressionnante d’autres statues qu’on a croisées au fil de nos pérégrinations – c’est un bon filon dans le coin, la statue démesurée.
On a quitté la vieille ville en longeant le Vardar asséché, non sans avoir pris le temps de se renseigner sur l’impressionnant quartier juif en essayant de distinguer les sages paroles de notre aimable et serviable guide qui avait débuté son laïus pile au moment de la prière du muezzin local (l’interconfessionnel nous poursuit, et c’est très bien comme ça). Ce n’est en tout cas pas l’animation qui a manqué, et le dévoué Hristijan mérite d’ores et déjà une médaille.
Le long du Vardar, on a aussi pu admirer la forteresse, qui n’a suscité aucune question car les enfants avaient une seule obsession: ils voulaient « de l’herbe » (je cite l’aîné, 7 ans et demi). Le parc de la ville nous a semblé un bon compromis. On ne s’est pas arrêtés dans le « parc de la francophonie », peinant à comprendre par quel truc de vendeur d’aspirateurs les français ont réussi ce coup marketing douteux. Le parc a en tout cas permis de jouer quelques parties de cache-cache espion, ponctuées de hurlements de joie de Noam (ce qui a un peu limité la partie cache-cache et la partie espion des poursuites à l’ombre de l’imposante Telekom Arena). Et on a aussi fini par trouver une petite statue.
Ce qui est certain, c’est que nos aînés sont devenus de bons marcheurs. Mon compteur de pas marquait un bon 10 km de marche en fin de journée, ce qui doit en faire un peu moins pour eux puisque j’avais fait une expédition solo d’acquisition de petit déjeuner à l’aube.
Question bouffe, on est toujours aussi séduits par les légumes et la viande arrivant plic ploc à table (pas toujours dans un ordre logique). Demain, c’est la montagne et Ohrid qui nous attendent. Et notre superbe location pour le voyage à six (on embarque Hristijan): une Opel Vivaro, déjà rebaptisée le Ginger Family Buske (sachant que je n’ai fait que trois fois la blague « wil je een skopje koffie? » – Anne-Isabelle, si tu nous lis, c’est une spéciale dédicace pour ton papa).